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Une journée à Prem Dan

L’intérieur du centre contraste avec les ruelles des alentours. Tout est propre, bien rangé, les jardins et les deux blocs de bâtiments sont bien entretenus. L’un abrite les hommes, l’autre les femmes. Nous nous séparons, Elisabeth part chez les femmes tandis que je suis Samuel qui se dirige vers le bâtiment des hommes séparé par une grille.

Des « Massis » (hommes et femmes démunis venant pour la plupart du Bangladesh, employés par les sœurs pour les tâches domestiques) nous accueillent très sommairement. Nous déposons nos sacs dans un local et montons sur la terrasse. C’est ici que le « travail » commence, le linge des pensionnaires est lavé à grande eau au rez de chaussée dans de grandes bassines puis acheminé dans des seaux par les pensionnaires les plus valides en file indienne dans l’escalier jusqu’à la terrasse où nous le réceptionnons. Il est mis par terre sur des bâches plastiques, trié (taie d’oreillers, draps, chemises, shorts…) , essoré à la main puis étendu en plein air. Il fait une chaleur étouffante et je ne sais pas si c’est la transpiration ou l’eau du linge qui dégouline.

Les « Massis » ne sont pas d’un abord facile, ils voient passer tellement de volontaires !! Avec le temps les relations vont s’arranger. Après l’étendage nous descendons rejoindre près de cent soixante hommes de tous âges regroupés sous un grand abri. Ils sont assis sur des chaises ou à même le sol avec leurs infirmités, leur vieillesse, leurs maladies, leurs souffrances. Arrachés à la rue par le soin des sœurs et des volontaires, ils sont transportés en taxi à moitié mourants dans des bâches plastiques. Après des premiers soins précaires (les sœurs de la charité n’ont pas vocation à soigner), un lavage, rasage, ils trouvent en ce lieux la sécurité, un lit, des repas, et de l’Amour donné gratuitement par tous.

Après la grande lessive nous descendons nettoyer la cour à grande eau avec des seaux pendant que d’autres volontaires passent la raclette et le petit balai sans manche. Puis nous faisons connaissances avec chacun en leur apportant de l’eau, du chai, des biscuits MC (petits beurres fabriqués spécialement pour les Missionnaires de la Charité) . Les premiers contacts ne sont pas faciles, ils sont trop nombreux et ne parlent pas anglais, seulement Bengali ou Hindi. Certains sont aveugles, estropiés, handicapés à la suite de maladies, ou sont atteints de troubles psychologiques graves. Il faut prendre sur soi pour aller vers eux, mais au fil des jours les relations vont changer…

Après la vaisselle des bols, vers 10h30, tous les volontaires se retrouvent attablés pour boire un chai et manger des biscuits. Je retrouve Elisabeth et pouvons tous échanger dans diverses langues nos impressions et faisons plus ample connaissance entre nous. Après ce petit encas, nous repartons chacun de notre côté pour préparer le repas de midi. Dans la salle du réfectoire, nous préparons les assiettes, timbales, quelques cuillères pour ceux qui ne peuvent pas manger tout seul. L’hindou mange avec les doigts de la main droite et jette ce qu’il ne peut manger ou boire par terre. Aujourd’hui, nous épluchons des bananes. Tous les repas sont à base de riz, sauce pimentée, quelques légumes et rarement de la viande ou du poisson. Parfois des fruits sont distribués. Tous les repas proviennent de dons. Certains jours, nous avons pu apercevoir des bienfaiteurs (des hindous ou de riches musulmans) qui participent et regardent la distribution de la nourriture. Parmi ces donateurs il y a aussi des chinois venus un jour en petit groupe « voir » l’heure du repas !

Au début, les nouveaux volontaires n’osent pas donner à manger aux plus handicapés (aveugles, sans mains...) et distribuent à la file indienne les assiettes de riz brûlantes. Petit à petit, si l’on reste plus longtemps les « Massis » vont nous montrer les personnes les plus démunis qu’il faut faire manger si l’on le souhaite. Ainsi, au fil du temps à travers ces moments, des liens plus particuliers vont s’établir avec certains de ces hommes. Je prendrai soins de ne pas nourrir toujours les mêmes personnes. La plupart mange très doucement, il faut leur parler pour qu’ils réagissent et acceptent la nourriture. Ils reconnaissent vite le son de ma voix, prennent confiance. Je m’aperçois aussi qu’il y a des petits groupes, chacun a sa place attitrée. Les plus valides prennent soins des plus handicapés. Il y a une solidarité dans l’extrême misère ! je comprends aussi que celui-là préfère les patates au riz, celui-ci doit boire après chaque déglutition, ils se manifestent par petits gestes à la fin du repas. Certains sourient alors qu’au début ils vous rejetaient.

Après le repas nous rentrons à l’aide de fauteuils roulants d’un autre âge les plus handicapés et accompagnons les autres à leur lit, dans l’unique bâtiment qui sert de dortoir.

Nous aidons à débarrasser, nettoyons et rangeons la vaisselle. Il est presque 12h30 lorsque le petit groupe de volontaires se retrouve. Tout le monde est ravi de son expérience malgré la fatigue.

Certains reviennent en tuc tuc, d’autres se joignent à notre petit groupe pour rentrer à pied. Nous recroisons le long de la voie ferrée les enfants du slum. Nous arrivons exténués à l’hôtel, la ville depuis ce matin est devenu bruyante, nauséabonde, surpeuplée. C’est tout un art d’être piéton à Kolkata.

Enfin arrivés devant notre hôtel, nous allons régler notre chambre et nous nous donnons rendez-vous avec quelques volontaires qui logent aussi à Sudder street au restaurant Raj’spanish café. Sur une terrasse au calme, nous mangeons tranquillement et prenons le temps, écoutons chacun, faisons connaissance. Nous devions retourner vers 15heures dans un autre foyer accueillant des enfants handicapés à Daya Dan mais l’après-midi est déjà bien avancé, et nous ne sentons pas le courage de repartir à travers les rues. Après le repas, nous rentrons à l’hôtel Maria prendre une douche bien méritée, la chaleur est lourde (36°), c’est la fin de la mousson et nous reposer un peu. Après avoir consulter et envoyer quelques mails grâce au wifi de l’hôtel, nous ressortons découvrir un autre quartier de la ville, le parc Elliot, vaste étendue de prairie et de retenue d’eau où les enfants jouent au cerf-volant et qui va jusqu’à Victoria mémorial. Au retour, nous faisons la connaissance d’un jeune Bengali qui juché sur son vélo nous accompagne, tout content de pouvoir nous parler en français. Nous faisons quelques courses, fruits, légumes, bouteilles d’eau, que nous déposons à l’hôtel et ressortons manger quelques spécialités indiennes au Blue Sky Café (curry de mouton, poulet sauce épicée accompagné de riz, de naans et de thé au ciron vert.)Dans la rue, nous faisons la connaissance de Sami, une mendiante que nous retrouverons chaque jour au cours de notre séjour.

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